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Mme Michèle

22 octobre 2012

Le hérisson : bande-annonce

Voilà la bande-annonce du hérisson ! Une autre manière de résumer l'histoire...
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13 octobre 2012

Il était une fois...

Il était une fois...
"Je m'appelle Paloma. J'ai douze ans. J'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais malgré tout cela, malgré toute cette chance et toute cette richesse, depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons,...
22 octobre 2012

Une adaptation plus ou moins fidèle : comparaison

Voici quelques passages du livre qui ont été adaptés dans le film. Malgré certaines différences dans le déroulement de l'action, on constate que la réalisatrice préserve les émotions qui en constituent le fondement : l'amusement, la joie, la tristesse, l'amitié...

Extrait 1 :

Dans le livre, la scène où Kakuro vient demander à Mme Michèle de dîner avec lui dure plusieurs chapitres : lors de la crise de larmes de celle-ci, nous apprenons tout son passé, et la raison pour laquelle elle a décidé de cacher son intelligence. Un traumatisme dû à une grande soeur dont la beauté lui avait permis une ascencion sociale, mais finalement abandonnée et revenue mourir chez elle, dans la boue et la pauvreté... Cependant, ce trait n'est pas essentiel pour comprendre la concierge. Mona Achache prend le parti de la sobriété : pas de flash-back, mme Michèle ne raconte pas son passé à travers ses larmes. Son émotion et son silence nous touchent d'autant plus et nous rendent la scène encore plus forte. Un extrait assez fidèle, donc.

 

 

 « Je pleure à grosses, chaudes, longues et bonnes larmes convulsives, confuse mais incompréhensiblement heureuse de la transfiguration du regard triste et sévère de Paloma en puits de chaleur où je réchauffe mes sanglots.

- Mon Dieu, dis-je en me calmant un peu, mon Dieu, Paloma, me voici bien stupide !

- Madame Michel, me répond-elle, vous me redonnez de l'espoir.

- De l'espoir ? Dis-je en reniflant pathétiquement.

- Oui, dit-elle, il semble qu'il soit possible de changer de destin.

Et nous restons là de longues minutes à nous tenir la main, sans rien dire. Je suis devenue l'amie d'une belle âme de douze ans envers laquelle j'éprouve un sentiment de grande gratitude et l'incongruité de cet attachement dissymétrique de l'âge, de conditions et de circonstances ne parvient pas à entacher mon émotion. » 

 

Extrait 2 :

Le passage où Paloma joue avec Yoko Ozu, petite fille de Kakuro, en anticipant son avenir, a été assez reproché à la réalisatrice. Et pour cause : dans le livre, c'est une de ses camarades de classe dont elle voit la vie toute tracée, tandis qu'elle n'arrive pas à lire celle de la petite fille sur son front, ce qui lui redonne un peu d'espoir.

 

 "En la regardant, je me suis demandée : "Est-ce qu'elle aussi, elle va devenir comme les autres ?"

J'ai tenté de l'imaginer avec dix ans de plus, blasée, en bottes montantes avec une cigarette au bec, et encore dix ans plus tard dans un intérieur aseptisé à attendre le retour de ses enfants en jouant à la bonne mère et épouse japonaise. Mais ça ne marchait pas.

Alors j'ai ressenti un grand sentiment de bonheur. C'est la première fois de ma vie que je rencontre quelqu'un dont le destin ne m'est pas prévisible, quelqu'un pour qui les chemins de la vie restent ouverts, un quelqu'un plein de fraîcheur et de possibles. Je me suis dit : "Oh, oui, Yoko, j'ai envie de la voir grandir" et je savais que ce n'était pas une illusion liée à la jeunesse parce que aucun des enfants des amis de mes parents ne m'a fait cette impression-là."

21 octobre 2012

Les passages savoureux

Qui ne retiendrait que les citations philosophiques de l'élégance du hérisson passerait à côté de passages particulièrement drôles... Et savoureux. Si la réalisatrice n'a pas pu les mettre dans son film, sans doute pour éviter d'être trop exhaustive, en voici quelques-uns dont vous allez pouvoir profiter !

 Les soldes chez les riches

Paloma va faire les soldes rue St-Honoré avec sa mère. Le problème, c'est que mettre autant de ténacité à acheter des vêtements qui, malgré ça, valent encore le prix d'un Van Gogh, c'est tout de même sidérant. Surtout lorsque sa mère se retrouve dans une situation assez embarrassante : elle convoite une culotte en dentelle, la dernière du rayon. Mais une autre femme a mis la main dessus en même temps qu'elle... Dans ces cas-là, gérer la situation est tout un art.

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« Une culotte à cent trente euros, ça ne mesure quand même que quelques centimètres de dentelle ultrafine. Il faut donc sourire à l'autre, tenir bon la culotte, la tirer à soi mais sans la déchirer. Je vous le dis tout net : si, dans notre univers, les lois de la physique sont constantes, ce n'est pas possible. Après quelques secondes de tentative infructueuse, ces dames disent amen à Newton mais ne renoncent pas. Il faut donc poursuivre la guerre par d'autres moyens, c'est à dire la diplomatie (une des citations préférées de papa). Ça donne le mouvement intéressant suivant : il faut faire mine

d'ignorer qu'on tire fermement la culotte et faire semblant de la demander courtoisement avec des mots. Donc voici maman et la dame qui tout d'un coup n'ont plus de main droite, celle qui tient la culotte."

Ha, la curiosité...

 

Kakuro Ozu vient juste d'arriver dans l'immeuble et est en train de reconstruire complètement son appartement. Résultat, tout le monde veut savoir ce qui se trame à son étage. Mme de Broglie, femme du conseiller d'état qui y est entré sous Giskard et est « tellement conservateur qu'il ne salue pas les personnes divorcées », se débrouille pour se faire inviter chez Paloma, qui habite au-dessus de chez-lui. Cela lui donne un prétexte pour rester un peu sur le pallier du dessous... Mais après, il faut payer la note. Parce que les Josse sont résolument socialistes et ont bien l'intention de lui ouvrir l'esprit.

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« Maman est alors passée à la vitesse supérieure. Après toutes ces largesses, il était temps de payer l'addition. Mme de Broglie a eu droit à un cours entier sur le freudisme, incluant quelques anecdotes croustillantes sur les mœurs sexuelles du messie et de ses apôtres (avec un passage trash sur Mélanie Klein) et émaillé de quelques références au MLF et à la laïcité de l'enseignement français. La totale. Mme de Broglie a réagi en bonne chrétienne. Elle a enduré l'affront avec un admirable stoïcisme, tout en se convainquant d'expier ainsi à peu de frais son pêché de curiosité. »

 

21 octobre 2012

Meilleures citations de l'élégance du hérisson

L'élégance du hérisson est un roman extrêmement riche et duquel on peut tirer de nombreux enseignements. On y trouve tant de phrases intéressantes qu'il est difficile de faire un choix! En voici tout de même quelques-unes parmi celles qui attirent le plus l'attention...

À commencer par la phrase phare, celle qui définit le livre et le film (version du film) :

"Mme Michèle elle me fait penser à un petit hérisson. À l"extérieur, elle est bardée de piquants. Une vraie forteresse. Mais moi j'ai l'impression qu'à l'intérieur, elle est comme ces petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires, et terriblement élégantes."

Paloma Josse.

«  À part l'amour, l'amitié et la beauté de l'art, je ne vois pas grand-chose d'autre qui puisse nourrir la vie humaine ».

Paloma Josse.

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« Je ne vois que la psychanalyse pour concurrencer la religion dans l'amour des souffrances qui durent ».

Paloma Josse.

« le chat ici-bas

Ce totem moderne

Et par intermittence décoratif »

Paloma Josse (haïku qui constitue le titre d'un chapitre)

« L'art, c'est la vie, mais sur un autre rythme »

Mme Michèle.

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« L'intelligence n'est pas un don sacré, c'est la seule arme des primates. »

Paloma Josse.

« Aimer, ça ne doit pas être un moyen, ça doit être un but »

Paloma Josse.

« L'art, c'est l'émotion sans le désir. »

Mme Michèle.

« Nous aussi, nous ne sommes que de pauvres abeilles vouées à accomplir leur tâche puis à mourir ».

Paloma Josse.

« Aïe, aïe, aïe, je me suis dit, est-ce que ça veut dire que c'est comme ça qu'il faut mener sa vie ? Toujours en équilibre entre la beauté et la mort, le mouvement et sa disparition ? »

Paloma Josse.

 

« C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent. »

Paloma Josse

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« À l'heure de disparaître, ce sont les autres qui meurent pour nous... »

Mme Michèle

« Pendant longtemps, j'ai considéré comme une fatalité que le septième art soit beau, puissant et soporifique et que le cinéma de divertissement soit futile, réjouissant et bouleversant ».

Mme Michèle

« Ainsi vit-on sa vie d'homme, dans notre univers : il faut sans cesse reconstruire son identité d'adulte, cet assemblage bancal et éphémère, si fragile, qui habille le désespoir et, à soi devant la glace, raconte le mensonge auquel on a besoin de croire ».

Paloma Josse

« La contemplation de l'éternité dans le mouvement même de la vie. »

 

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Mme Michèle

« Et si […] la littérature, c'était une télévision qui nous montre tout ce qu'on rate ? »

Paloma Josse

« Le futur, ça sert à ça : à construire le présent avec des vrais projets de vivants »

Paloma Josse

 « C'est la première fois que je rencontre quelqu'un qui cherche les gens et qui voit au-delà. »

Paloma Josse (à propos de Kakuro Ozu)

 

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18 octobre 2012

interview de Josianne Balasko

Nathalie dans les bronzés font du ski, mme Musquet dans le père noël est une ordure, Colette dans trop belle pour toi, scénariste d'une vingtaine de films, réalisatrice de huit long-métrages, et accessoirement interprète, costumière et productrice, la réputation de Josiane Balasko n'est plus à faire. Qu'est-ce qui a décidé cette actrice chevronnée à endosser la peau du hérisson, premier film d'une réalisatrice inconnue ?

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Connaissiez-vous le livre de Muriel Barbery ?

J'ai lu le scénario avant le livre. Donc je n'avais aucun a priori, même si j'en avais entendu parler, bien sûr. J'ai trouvé formidable cette idée de trois personnages qui se retrouvent, dans un cinéma français qui ne parle presque plus que de films choraux. Ce n'est pas un énième « film à la Sautet », c'est encore autre chose, à la fois réaliste et poétique... Il y a cette concierge cultivée, cette petite fille surdouée. C'est à la fois très beau et intemporel.

 Votre rôle vous a immédiatement plu ?

On se pose d'abord la question en terme d'histoire : « est ce que j'ai envie de faire ça ? ». En lisant le scénario je me suis dit « qui d'autre sinon moi ? ». Il n'y a pas beaucoup d'actrices qui accepteraient de se faire ça, ce physique ingrat... Dans le cinéma français, il y a moi et Yolande Moreau... Pour moi ça fait partie du métier, c'est un pas de plus dans le jeu, et c'est important que ce soit réussi.

Ce qui frappe d'abord, c'est donc le physique que vous avez créé pour votre personnage de Renée...

Les êtres humains se présentent d'abord par les yeux ! Et en fonction de ce que l'on voit on continue ou pas notre approche. Renée n'est certainement pas avenante, elle ne donne pas envie. Le défi était de créer un personnage non caricatural, on a du coup beaucoup travaillé le maquillage.

 Ça vous aide beaucoup pour jouer ?

C'est surtout du temps de gagné ! Ce qu'on voit, c'est ce que je n'ai pas à jouer. Je n'ai pas à jouer quelqu'un de désagréable, puisque je suis désagréable ! Disons qu'une fois qu'on a l'habit, on fait le moine.

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C'est un personnage en retenue, à l'inverse de vous ! 

J'aurais voulu qu'elle sourie. Mais elle ne peut pas sourire. C'est le travail d'acteur qu'on a appris à l'école, faire passer les émotions avec ce qu'on a. On ne m'a pas demandé de me retenir. Et pourtant vous avez vu, qu'est-ce que je retiens ! L'autre défi du personnage c'est qu'avec le Japonais elle devient une femme, alors qu'avant elle n'est que le parangon de la concierge.

Comment avez-vous réagi quand vous avez vu le film ?

J'ai été émue. Je me suis reprise, en me disant : « merde, tu vas quand même pas pleurer parce qu'à l'écran tu pleures ! ». En fait j'avais oublié que je jouais dedans, ce qui m'arrive rarement.

 Jouer avec Togo Igawa, partenaire qui ne parle pas français, c'est compliqué ? 

Il savait tout de même ce qu'il jouait ! Alors il le jouait avec l'émotion voulue, même si la prononciation était aléatoire, et, souvent, laissait à désirer. On jouait quand même, en se disant qu'on reprendrait plus tard.

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 Quel est votre planning aujourd'hui ?

Je suis en pleine promotion de "Cliente" à l'étranger... On le vend dans pas mal de territoires, Tel Aviv, Moscou... Je fais la promo du cinéma français à l'étranger, et je trouve ça très important. Et puis... J'ai travaillé 4 ans sans m'arrêter, là, je vais prendre des vacances... Je vais m'atteler à la lecture de Proust, que j'ai piqué sur le plateau du "Hérisson", dans la bibliothèque de Renée !

 

Interview réalisée en juillet 2009

source : http://www.lequotidienducinema.com/index.php?option=com_content&task=view&id=647&Itemid=1&PHPSESSID=c5a75d3664b50cde81d7592ad9e19322

18 octobre 2012

interview de Togo Igawa

 

Pour interpréter Kakuro, il fallait un homme qui possède un trait essentiel, celui qui le définit : l'élégance. Chez Togo Igawa, cela semble naturel, malgré l'obstacle de la langue. Mais cette performance d'acteur est encore plus impressionante lorsque l'on sait que l'anglo-japonais  a travaillé uniquement... Phonétiquement ! LyD5r7UOB_1210996045

 

Comment définiriez-vous le personnage de Kakuro ?
C’est un homme d’esprit, honnête et ouvert. Quand j’ai obtenu le rôle, ma femme m’a dit qu’il me ressemblait ! Mais je n’ai pas son intelligence. C’est ce qui m’a permis de l’incarner. S’il avait été trop proche de moi, je n’aurais pas pu.

Est-il profondément Japonais ?
On ne peut pas faire abstraction de ses origines et de sa culture, mais son empathie et son honnêteté fondamentales font d’abord de lui un être humain.

Comment expliquez-vous qu’il ne soit véritablement lui-même qu’avec Paloma ou la concierge ?
Ces trois personnages sont des marginaux d’une grande sensibilité. Ce qui les unit, c’est qu’ils ne se conforment pas à l’idée que la société se fait d’eux.

Sur le tournage, avez-vous apporté des éléments pour la décoration de l’appartement de monsieur Ozu ou pour le dîner qu’il prépare à Renée ?
Pour le repas, oui. Quand Mona Achache est allée au Japon, on lui a dit que Kakuro Ozu préparerait plutôt du tempura que du ramen ou des gyôzas, des plats bien trop ordinaires pour le personnage. J’étais résolument contre cette idée. Quand vous vivez à l’étranger depuis plusieurs années, vous avez parfois envie de préparer un plat tout simple, parce que vous ne trouvez pas forcément tout ce dont vous avez besoin. Dans la deuxième version du scénario, le tempura a finalement cédé la place au ramen et gyôza. J’étais ravi que Mona partage mon point de vue !

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Dans le film, Kakuro est habillé de manière très élégante. Avez-vous choisi ses vêtements ?
S’il a cette allure, c’est grâce à Catherine Bouchard, la costumière. Le seul vêtement que j’ai suggéré, c’était le samue des moines japonais, une sorte de kimono court avec un pantalon. Kakuro le porte quand il regarde le film d’Ozu avec Renée.

Votre filmographie est impressionnante. Aviez-vous déjà été dirigé par une si jeune réalisatrice ?
Je pense que les parents apprennent toujours des choses de leurs enfants ! Mona pourrait être ma fille et elle est aussi une réalisatrice de très grand talent. J’ai eu beaucoup de chance d’être choisi pour ce film.

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                                                                        Togo Igawa dans Mémoires d'une Geisha

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                                                                          Togo Igawa dans Ninja

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                                                                          Togo Igawa dans le dernier samouraï



Comment s’est passée votre rencontre ?
Michael Laguens, le directeur de casting, m’a d’abord rencontré sans Mona. J’ai beaucoup apprécié sa prévenance, parce que j’étais très nerveux à l’idée de jouer en français, une langue que je ne maîtrise pas du tout. Il m’a gentiment proposé de refaire ma scène en japonais. Mona est alors arrivée, elle s’est assise devant moi, et l’audition proprement dite a commencé. Dès que je l’ai vue, j’ai été captivé par ses yeux magnifiques. J’ai oublié ma peur et j’ai simplement joué pour eux. C’était une expérience extraordinaire.

Vous ne parlez presque pas français mais vous n’êtes pas doublé dans le film. Comment avez-vous surmonté cette difficulté ?
Grâce à ma coach intraitable, Asako Furukata ! Sans elle, je n’aurais pas réussi.

Saviez-vous qui était Josiane Balasko avant le tournage ?
Je la connaissais de nom, mais je n’avais pas vu ses films. Quand j’ai obtenu le rôle de Kakuro, j’ai acheté plusieurs de ses DVD. J’étais à la fois terrifié par sa forte personnalité et impatient de travailler avec elle. Et je n’ai pas été déçu.

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Travailler avec la jeune Garance a-t-il été facile ?
Le premier jour, elle a tenté, sans succès, de m’aider pour mes répliques en français. J’ai voulu en faire de même pour les siennes en japonais, mais elle ne m’a pas écouté. Je n’en ai presque pas dormi de la nuit ! Et le lendemain, son accent était impeccable et elle m’a complimenté - en anglais ! - sur le mien.

Quel est votre meilleur souvenir du tournage ?
Le sourire de Garance.

Et le pire ?
Avoir mangé des ramens froides cent fois de suite.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué sur la façon de travailler des Français ?
Le fait de pouvoir déguster chaque jour un repas complet avec du bon vin, servi sur une jolie nappe, sans même faire la queue ! Sur les tournages anglais on sert toujours du chili con carne ou des spaghettis qui ont dépassé depuis bien longtemps le stade du al dente, accompagnés de légumes trop cuits. Dès que le cuisinier a rempli votre assiette, il aboie : « Au suivant ! » Si nous avions des repas comme les vôtres en Grande-Bretagne, on n’appellerait pas ça une cantine... La semaine de cinq jours était également un facteur non négligeable pour un vieillard comme moi !


source : http://www.cinemotions.com/interview/66551

Entretien avec Togo Igawa
Extrait tiré du dossier de presse
18 octobre 2012

Interview de Garance le Guillermic

 Paloma, c'est elle : Garance le Guillermic. Plutôt difficile quand on a 10 ans d'interpréter une petite fille surdouée, suicidaire et - dans le livre - pyromane. Impressions.

 

 

 

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Bonjour Garance.

Bonjour.

Tu n’en es pas à ton premier rôle, pourquoi avoir accepté le rôle de Paloma, une petite fille surdouée ?

J’ai trouvé que c’était un très beau rôle. Maman savait déjà que le livre existait, elle ne l’avait pas lu mais elle m’a raconté un peu l’histoire. Je me suis dit que j’aurais beaucoup de chance d’incarner cette petite fille. C’est vrai que je ne tenais pas particulièrement à réussir ce casting. Quand j’ai été prise, j’ai sauté de joie. J’aime tourner dans des films. Comme c’est un super rôle, j’étais très contente.


Pourquoi tenais-tu à jouer ce rôle de petite fille là ? Qu’est-ce qui te plaisait dans cette petite fille là ?

Ce qui me plaisait était de jouer une petite fille qui ne me ressemble pas du tout. C’est un peu mon contraire. Ça me plaisait d’incarner quelqu’un dans un univers que je ne connais pas, d’avoir des sentiments que j’ai connus mais pas sous cette forme là. C’est un peu comme découvrir quelqu’un d’autre.


Qu’est-ce qui te plait en elle, le fait qu’elle aille au delà des apparences ? Elle est surdouée, dépressive. Elle décide d’aller voir les gens avec sa caméra, au-delà de ce qu’ils ont l’air d’être. C’est ça qui t’a plu ?

Oui, elle n’en reste pas à l’apparence, comme beaucoup de personnes. Elle essaie de chercher plus loin, pour voir vraiment qui sont les gens. Elle a de bonnes intuitions avec Renée. Ça me plait beaucoup.


Toi tu n’es pas comme ça dans la vie ?

Non, déjà j’ai peur de la mort, contrairement à Paloma qui veut mourir. Pour elle, mourir ne représente rien de très sanglant, ça ne lui fait pas peur du tout. Ensuite c’est une personne qui est peu sociale, pas très ouverte ; moi je suis assez ouverte. Elle est joyeuse mais elle grandit assez vite, elle n’est plus dans un esprit de petite fille. Moi je ne suis pas trop « petite fille », mais parfois j’aime bien faire ces choses chouettes qu’on peut faire étant enfant.


Est-ce que dans ta vie de petite fille, tu as rencontré une gardienne d’immeuble qui ressemble au « hérisson » ?


Non, pas vraiment. Il y a deux concierges dont je me souviens, et elles ne sont pas comme ça. Ça m’a fait découvrir un autre style de concierge, qui est moins courant !


Et un autre style de femme, de personne humaine ?

Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme Renée.


Maintenant que tu as tourné ce film, tu te dis qu’il faut aller au delà de l’apparence des gens, de leurs défauts physiques ?


Ça m’a un peu aidé. Quand j’ai joué Paloma, c’est comme si j’étais elle. Ça me reste un peu, plus qu’avant. Avant je ne me fiais pas trop aux apparences mais ça m’a aidé à plus ouvrir les yeux.


Explique-moi comment tu t’es emparée du personnage de cette petite fille. Tu avais les cheveux plus courts dans le film, des petites lunettes. Comment as-tu construit physiquement ton personnage ?


On en a beaucoup parlé avec Mona. On a travaillé cette voix grave. Physiquement, elle n’est pas du tout coquette. Je n’ai pas vraiment le même style qu’elle. On a trouvé des habits qui convenaient assez, dans lesquels je me sentais confortable. Les petites lunettes, on en a essayé plusieurs. J’ai toujours aimé me couper les cheveux. Un jour Mona m’a dit qu’elle allait me couper au carré. Ça fait un peu comme un mouton, c’est très volumineux. Ce n’est pas ma coiffure préférée mais je m’y suis habituée ! Pour jouer, le physique importe, mais c’est plus important d’être. Avec Mona on a travaillé Dans les scènes où Paloma pleurait, elle me racontait des histoires qui pouvaient me faire pleurer. Finalement, on a terminé en faisant des concours de sanglots.

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Le scénario de ce film est inspiré par un livre qui est un bestseller « L’élégance  du hérisson ». Est-ce que tu avais lu le livre avant de t’attaquer au film ?

 Non, ma meilleure amie l’avait lu. Quand elle a su que je passais le casting, elle était toute contente. J’ai regardé de quoi il s’agissait avant d’avoir le scénario. J’ai bien aimé l’idée. C’est un rôle encore plus beau que ce que je pensais, très profond. Je trouve que le scénario a été super bien adapté, c’est plus vivant que dans le livre. J’ai bien aimé le scénario.


Quand tu as vu le casting, tu as su que tu jouais face à Josiane Balasko.

J’étais assez stressée. Quand je l’ai vue sur le tournage pour la première fois, elle était dans la loge maquillage-coiffure. Mona me l’a présentée. J’étais très impressionnée, mais elle est très gentille, très rassurante. Ce n’est pas quelqu’un qui prend les gens avec hauteur, qui est snob. Elle est vraiment gentille.


Elle est comme son personnage ?

Elle est plus jolie. Je ne la connais pas énormément non plus, mais je préfère Josiane à Renée.


Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi dans cette aventure ? Apprendre le texte ?

Non, c’était de devenir Paloma, de rentrer complètement dans ce personnage. Même si j’avais joué d’autres rôles avant, des filles qui n’étaient pas vraiment sereines, là c’était un rôle très profond. Avec l’aide de Mona, je pense que j’ai réussi, d’après les retours que j’ai. Je suis contente. Je voulais surtout satisfaire Mona. C’est vrai que c’était dur, puisque Paloma n’était pas du tout comme moi. Il a fallu que je trouve des petits trucs pour devenir Paloma.

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Est ce que tu a eu peur, puisque tu jouais une petite fille surdouée, et que les enfants surdoués sont souvent des têtes à claque ? Il ne fallait pas tomber dans ce travers là. La réalisatrice te l’a dit ?


Oui, quand on a travaillé l’intonation, elle m’a dit que ce n’est pas la petite fille qui déballe tous les mots du dictionnaire. C’est sa façon de s’exprimer depuis qu’elle est toute petite, même quand elle dit des mots savants comme « ineptie ». Je n’avais pas peur de tomber dans ça. La moitié des mots, je ne les connaissais pas, je demandais ce que ça voulait dire pour mieux comprendre.


Qu’est-ce que tu as fait comme rôles avant de tourner ce film ?

J’ai fait des publicités. J’ai joué Danièle Lebrun enfant dans « Les soeurs Robin », de Jacques Renard. Ensuite j’ai fait « Je déteste les enfants des autres », je jouais une petite fille parmi pas mal d’enfants. Après j’ai fait « Déjà vu » de François Gauthier. Il n’a pas été beaucoup vu, il est passé sur Arte à deux heures du matin… C’était une petite soeur normale et une petite fille dans les jeux vidéo, puisque son grand frère voyait tout dans un jeu vidéo. Ensuite j’ai fait « Mes amis mes amours », de Lorraine Levy. On était deux enfants avec Vincent Lindon et Pascal Elbé.



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Tu es déjà une grande pro !

Voilà. Et j’ai fait Angie, d’Olivier Megaton. C’est une petite fille un peu perturbée, on va dire… Elle a mis le feu à son appartement.


 Qu’est-ce que tu as ressenti quand tu as vu le film ?

Ça m’excitait énormément de savoir que j’allais voir ce film sur lequel j’ai vécu plein de choses. J’ai trouvé que c’était un super beau film. Je n’aime pas du tout me voir à l’écran. Mais ça ne m’a pas embêté de me voir, même si je ne suis pas à mon avantage. C’est un film dans lequel on rentre très facilement. Je l’ai vu trois fois, la première fois ça me fait bizarre, après je suis complètement entrée dans le film, et j’ai failli pleurer.


Parce que le message du film est beau.


Oui, c’est un super beau film, je suis très contente d’avoir tourné dedans.


Merci Garance.

Au revoir.

 

source : http://www.telleestmatele.com/article-33265105.html

 

15 octobre 2012

Interview de Mona Achache

 

 Réalisatrice et scénariste du hérisson, Mona Achache a marqué le film de sa patte. Mais pourquoi le choix de cette histoire pour un premier long-métrage ? Qu'est-ce qui a bien pu séduire la réalisatrice chez cette concierge bourrue, cette petite fille surdouée et cet élégant japonais ? Impressions de la jeune femme une expérience unique.le-herisson-03-07-2009-15-g

Comment résumeriez-vous l’histoire du film ?
C’est l’histoire d’une rencontre insolite dans un immeuble parisien bourgeois entre Renée, une concierge discrète, revêche et solitaire, Paloma, une petite fille  très intelligente et suicidaire et Kakuro Ozu, un riche et énigmatique monsieur japonais.

Quand et comment avez-vous pris connaissance du livre de Muriel Barbery ?
J’ai découvert le livre dès sa sortie. Quelque temps auparavant, j’avais rencontré la productrice Anne-Dominique Toussaint et je lui avais fait lire un scénario  que j’avais écrit. Elle l’avait trouvé intéressant mais un peu « tristounet » et m’avait dit que lorsque j’aurai une histoire plus rigolote à raconter, elle aimerait  bien qu’on travaille ensemble. Comme j’aime beaucoup le principe d’adapter un livre, je suis allée à la FNAC pour regarder les quatrièmes de couvertures.
J’ai voulu acheter « L’Elégance du hérisson », mais j’y ai renoncé, trop d’attente devant les caisses. Le soir même, une amie me parle d’un livre qu’elle vient de  terminer : « L’Elégance du hérisson » ! Elle me le prête. Je le lis et j’appelle Anne-Dominique : « J’ai trouvé une histoire ! ». Elle répond : « C’est incroyable,  il est sur ma table de nuit ». Elle le lit, elle est emballée à son tour, on appelle Gallimard et malgré la présence d’autres réalisateurs intéressés, on a obtenu un  rendez-vous avec Muriel Barbery. C’est suite à cette rencontre qu’elle m’a choisie et qu’on a obtenu les droits.

Qu’est ce qui vous a touchée dans cette histoire ?
L’absurdité des préjugés, la magie des rencontres improbables… Cet immeuble m’a fait penser à celui dans lequel j’ai grandi, en plus bourgeois. Petite, j’étais fascinée  par la superposition, due au hasard, de vies si différentes. Mais le point de départ a surtout été Paloma et Renée. Cette femme bourrue qui se métamorphose en  rencontrant l’autre… Et cette petite fille renfermée, sombre et pleine de certitudes qui, en rencontrant Renée et Kakuro, comprend que la vie est beaucoup plus  complexe et surprenante que ce qu’elle croyait. Je me suis complètement identifiée à cette petite fille et à cette concierge.

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La rencontre entre Renée et Monsieur Ozu ressemble presque à un conte de fées moderne.
L’histoire a tous les ingrédients d’un conte de fées et j’ai essayé de le tourner dans ce sens. Renée, c’est Cendrillon, Paloma, la petite fée, Kakuro, le prince  charmant. L’histoire d’amour entre Kakuro et Renée a quelque chose de joliment désuet. Le cadeau, l’invitation, le baisemain, le restaurant, la promenade  dans la rue… Lorsque Renée reçoit l’écharpe offerte par Kakuro, elle est aussi émue qu’une adolescente avant un premier rendez-vous. Ces trois personnages  sont réalistes mais en même temps décalés, intemporels et hors norme. J’ai eu envie de créer autour d’eux un univers qui le soit un peu aussi.

Par exemple ?
J’ai, depuis le début, imaginé un immeuble Art Nouveau. Parce qu’il se dégage de cette architecture quelque chose de romanesque, hors du temps, poétique,  mais profondément bourgeois et parisien. J’avais le souhait de faire de cet immeuble un personnage à part entière, cohérent avec la forme que je voulais  donner au film. Je voulais éviter l’écueil de la représentation d’une bourgeoisie caricaturale à travers un immeuble haussmannien. Je ne voulais pas d’un luxe  clinquant, aux dorures et aux marbres abondants. Je voulais une atmosphère plus énigmatique, plus sombre, plus écrasante et plus décalée. L’histoire devait  se concentrer dans l’immeuble, comme dans un immense bocal. Tout en situant le film dans un contexte réaliste, j’ai eu envie de glisser dans ce Hérisson un  brin d’onirisme, de fantaisie et de poésie.

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 Quels sont les problèmes que vous avez rencontrés en écrivant le scénario ?
Certains livres sont plus littéraires que d’autres. « L’Elégance du hérisson » l’est énormément. L’enjeu de l’adaptation était donc de rendre cinématographique ce  qui était littéraire. Dans le livre, Paloma écrit un journal de bord. Dans le film… elle filme et dessine. Je ne voulais pas user d’une voix-off classique et trop abondante.  La caméra de Paloma devait être le support de sa voix. Pour Renée, j’ai privilégié le mutisme du personnage. J’ai voulu sous-entendre sa finesse, plutôt que de la  rendre audible. Le film (comme le livre), est une alternance permanente entre le point de vue de Paloma et celui de Renée. Il fallait trouver un bon équilibre, ne  pas privilégier un personnage plus que l’autre. Qu’elles existent indépendamment l’une de l’autre et que l’une ne devienne pas le faire valoir de l’autre…

Dans le livre, le journal de Paloma est, en plus, très écrit. Le style est même surprenant chez une petite fille.
C’est pour ça que je voulais qu’elle filme sérieusement. Aujourd’hui, tout le monde peut filmer avec des supports extrêmement divers et farfelus. Je voulais  que Paloma ait une caméra ancienne, qu’elle ait l’oeil dans la visée, qu’elle fasse le point et qu’elle ne cadre pas au hasard sur un écran de vidéo à distance. C’est  une petite fille particulièrement douée. Je voulais qu’on le découvre aussi à travers sa manière de filmer et de dessiner. Que son imaginaire soit visuel.

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Dans le livre, le calendrier qu’elle construit tout au long du film existe-t-il ?
Non. L’idée du calendrier, sorte de compte à rebours jusqu’à la date de son anniversaire et donc de son suicide, est venue assez tardivement. Chaque jour, Paloma  dessine quelque chose dans une case et, à l’arrivée, cela forme une fresque travaillée où l’on retrouve un peu toutes ses pensées. Sans être trop morbide ou explicative,  je voulais rendre cette envie de mourir crédible (et visuelle). Pour moi, la mort de Renée à la fin ne pouvait être supportable que si on comprenait qu’elle interrompait  le projet de suicide de Paloma.

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Quand vous écriviez le scénario, vous pensiez à Josiane Balasko pour le personnage de Renée ?
Oui, en essayant de me l’interdire par crainte qu’elle ne refuse. Mais j’ai pensé à elle à la première lecture du livre. Parce que j’aime cette comédienne, cette  femme et ses engagements. L’idée de travailler sur la découverte d’une féminité perdue, avec une comédienne comme Josiane Balasko, était une perspective  qui me plaisait beaucoup.

Comment définiriez-vous le personnage de Renée ?
C’est quelqu’un qui dissimule une sensibilité et une finesse particulières derrière les stéréotypes de sa fonction de concierge. Elle se réfugie dans la solitude  parce qu’elle a peur du regard et du jugement des autres. Renée, c’est une femme qui est en dehors de tout effort d’apparence. A force de se dissimuler et de  ne pas être regardée, elle a fini par s’oublier. Elle a renoncé à sa féminité et étouffé son côté maternel. Au fur et à mesure du film, grâce aux regards de Paloma  et de Kakuro, elle reprendra le goût des autres, et donc celui d’elle-même.

 

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Comment Josiane Balasko a-t-elle réagi en lisant le scénario ?
Elle n’avait pas lu le livre. Quand elle a lu le scénario, elle a été très directe et elle en a commenté beaucoup de facettes et pas uniquement autour du personnage  de Renée. Je crois que c’est notre rencontre qui l’a déterminée. Pour un premier film d’une réalisatrice aussi jeune, il était normal qu’on fasse connaissance avant  qu’elle se décide.

A-t-elle enrichi le personnage ?
Evidemment ! Chaque fois que je revois le film, je suis fascinée par Josiane. Elle a fait en sorte que la rencontre entre elle et Kakuro soit crédible et jamais  mièvre ; émouvante, mais sans pathos. Josiane est un véritable cadeau pour un réalisateur, plus encore pour un premier film. Non seulement elle a enrichi,  nourri le personnage, mais sa présence, sa confiance et son enthousiasme m’ont portée pendant tout le tournage.

Qu’est ce qui séduit Monsieur Ozu chez elle ? Car ce n’est pas évident, elle est mal habillée, revêche, pas coiffée, pas souriante…
Monsieur Ozu ne s’arrête pas aux apparences. Il arrive à déceler chez elle une finesse d’esprit qui attise sa curiosité. Il veut découvrir cette femme qui n’a jamais  intéressé personne et avec laquelle il partage des goûts communs. Elle l’intrigue. Et peu importe sa fonction ou son apparence physique.

L’instant du film où Renée bascule dans un autre registre, c’est lorsqu’il l’invite à dîner chez lui et qu’elle demande à aller aux toilettes. Elle sourit et le spectateur est séduit.
Quand elle arrive chez Kakuro, elle est tellement intimidée et mal à l’aise que son premier réflexe, c’est de se cacher. Elle part aux toilettes. Là, c’est la confrontation  brutale avec le milieu japonais. Elle s’assied, la musique se déclenche. Elle appuie sur un bouton, elle reçoit de l’eau. C’est une situation qui pourrait être  humiliante, mais elle décide d’en rire et se dit : « allons-y ! ». Sa carapace se fend et elle commence à se laisser aller au plaisir de la conversation et de l’échange  des confidences.

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Avant cette séquence, quand elle accepte d’aller, pour la première fois de sa vie, chez le coiffeur, on sent qu’il se passe aussi quelque chose d’extraordinaire,  mais totalement intériorisé.
Oui, car c’est la première fois qu’on s’occupe d’elle et qu’on prend soin d’elle. Tout à coup, sa féminité - qu’elle étouffe depuis toujours - ressurgit. Pour moi,  cette séquence, aussi anecdotique qu’elle puisse paraître, est très importante. La coiffeuse lui demande « Qu’est ce que vous préférez ? Qu’est ce qui serait  le mieux pour vous ? » En répondant : « De l’eau chaude », elle décide d’accepter qu’on lui fasse du bien. D’accepter le plaisir. Josiane est une comédienne  extraordinaire. Au début de la séquence, on dirait qu’elle va à l’abattoir, avec une tête très fermée comme elle sait si bien le faire. On sent toute sa timidité,  tout son mal-être, sa résignation. Et, en une phrase, elle s’ouvre à la sensualité.

Comment avez-vous transformé Josiane Balasko en Renée ?
Pendant la préparation, on a beaucoup travaillé sur l’apparence, ce qui est devenu un moyen détourné de parler de la psychologie de Renée. C’est en travaillant  sur son physique avec Didier Lavergne et Cédric Chami, le maquilleur et le coiffeur, que l’on a commencé à construire le personnage. Pas de maquillage, juste  une paire de sourcils chargés et une perruque peu flatteuse. Ce que je voulais par dessus tout, c’est que ce soit une métamorphose crédible. C’est-à-dire qu’en  sortant de chez le coiffeur, elle ne soit pas plus maquillée qu’en y entrant. Qu’elle reste la même mais que cette transformation vienne de l’intérieur, de son  expression, de sa manière de se détendre et de se laisser aller. La métamorphose découle essentiellement du jeu de Josiane.

 

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Pour le rôle de Paloma, qu’aviez-vous en tête lorsque vous cherchiez une petite fille ?
Je pensais à une enfant pas particulièrement très jolie mais avec beaucoup de charme. Une petite fille volontaire, déterminée. Pas vulnérable. Et je ne sais pas  peu grave sur le monde adulte, que je cherchais. Mais le personnage restait encore très abstrait physiquement.  La directrice de casting m’a montré plus de 200 petites filles en vidéo. Quand j’ai vu Garance, j’ai su instinctivement que c’était elle et je n’ai pas rencontré  d’autres comédiennes. J’ai voulu qu’on lui coupe les cheveux, qu’on les lui frise et qu’elle porte des lunettes. Et maintenant, je me rends compte que…  Garance/Paloma me ressemble ! En plus, elle porte dans la vie le prénom d’une de mes filles ! Rétrospectivement, je me rends compte à quel point je me suis  identifiée à cette petite fille. J’ai beaucoup pioché dans mes souvenirs d’enfance en écrivant le personnage de Paloma.

Cela vous a paru difficile de diriger une comédienne de 11 ans ?
Non, parce que dans mes deux courts-métrages, il y avait déjà des enfants. Et surtout parce que Garance est très douée, particulièrement à l’aise, concentrée,  appliquée et mure. On a eu pendant le tournage un rapport très tendre, très complice. Tout en s’amusant, on a cherché ensemble le personnage : ses petits  tics, sa manière de remonter ses lunettes sur le bout du nez, de les coincer dans ses cheveux, de baisser le menton et de lever le regard. Avec Jean-Pierre Duret, l’ingénieur du son, on a beaucoup travaillé sur « la voix de Paloma », plus grave et plus posée que la sienne. Avant chaque scène, elle s’amusait à retrouver cette  voix. Elle posait souvent des questions très justes sur le personnage. Quand elle devait pleurer, on faisait des concours de sanglots. J’avais envie que jouer soit  toujours un plaisir pour elle, un amusement, y compris quand elle devait dire ou exécuter des choses un peu sombres

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.Avez-vous eu du mal à trouver le comédien qui interprète Monsieur Ozu ?
On cherchait un homme entre 60 et 70 ans, extrêmement élégant, avec un regard très perçant. Michael Laguens, le directeur de casting a organisé trois  recherches : en France, au Japon et en Angleterre. Après ma première rencontre à Londres avec Togo Igawa, je suis quand même partie au Japon pour  rencontrer cinq autres comédiens mais j’avais eu pour lui le même sentiment qu’en rencontrant Garance. Il ressemblait tellement au Kakuro que j’imaginais en écrivant ! Le fait qu’il parle anglais nous a permis de pouvoir nous comprendre sans l’intermédiaire d’un interprète, mais il a dû apprendre toutes les  phrases du scénario en phonétique, ce qui a été pour lui un travail colossal. Je savais qu’on pourrait retravailler en post-synchronisation. Mais il fallait pour  cela que son débit de parole au moment du tournage ne soit pas trop lent et que ses efforts pour articuler ne soient pas visibles. Sa coach franco-japonaise, Sakura Furukata, devait en plus veiller à ce qu’il ne parle pas français avec un accent anglais !

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Comment définiriez-vous son personnage ?
C’est un intellectuel mais j’ai vraiment eu envie de rester la plus énigmatique possible sur lui, sur son métier. On comprend qu’il a une passion pour la France  puisqu’en arrivant à l’âge de la retraite, il emménage à Paris. C’est un homme curieux, respectueux et attentif. Il part à la rencontre de Paloma et de Renée  avec une volonté qui, chez quelqu’un d’autre, pourrait sembler intrusive. Mais pas chez lui, parce qu’il le fait avec élégance et courtoisie.

Avant de parler des seconds rôles, parlons d’abord… du poisson rouge. Il ne tenait pas autant de place dans le livre, non ?
Il n’y était pas du tout ! Il y avait seulement une phrase de Paloma qui disait que le monde lui faisait penser à un bocal de poissons rouges où les adultes passent  leur temps à se cogner comme des mouches sur la même vitre. Cette image m’a plu et j’ai voulu exploiter la métaphore. J’ai d’abord mis le poisson rouge dans  la cuisine et, au fur et à mesure, il est devenu un personnage à part entière. Puis, je me suis dis que cette petite fille, avec ses idées suicidaires et sa théorie sur le bocal, devait faire quelque chose de ce poisson rouge. D’une certaine manière, elle devait passer à l’acte ! Elle croit le tuer avec une pilule, et va le mettre  dans les toilettes. Finalement, il re-apparaît chez Renée. Comme l’histoire du film c’est aussi la mort de l’une qui va redonner à l’autre l’envie de vivre, j’aimais  bien l’idée du petit poisson qui meurt chez l’une et qui renaît chez l’autre.

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Anne Brochet joue le rôle de la mère de Paloma. Wladimir Yordanoff joue son père. Quant à Ariane Ascaride, elle incarne Manuela, la copine de Renée qui adore faire de la pâtisserie. Comment avez-vous pensé à ces comédiens ?
Pour Manuela, je cherchais une comédienne qui formerait un couple original avec Josiane. Ariane s’est imposée assez vite. L’idée de réunir ces deux comédiennes  me plaisait. Je rêvais d’Anne Brochet dans ce rôle de mère bourgeoise névrosée un peu fantasque. C’est une comédienne qui m’a toujours fascinée. Plus petite,  je jouais à me prendre pour la Roxane qu’elle était dans Cyrano ! Wladimir a l’élégance et le charisme que je voulais pour Paul. Il m’est difficile de me souvenir  précisément du cheminement d’idées qui m’ont menée à ces comédiens, mais je sais qu’ils se sont tous les trois imposés très vite pour moi.

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À par l’architecture Art-Nouveau pour l’immeuble, aviez-vous des idées très précises pour le décor ?
Le chef décorateur Yves Brover a compris mon envie de ne pas vraiment situer l’histoire dans le temps. On est en 2009 mais il n’y a pas de téléphone portable,  pas d’ordinateur, pas de lien technologique vers l’extérieur de l’immeuble. C’est un huis clos intemporel. Dans la chambre de Paloma, il n’y a pas d’affiche,  pas de marque, aucune référence à notre époque, mais seulement des dessins et des objets. Pour autant, je ne voulais pas d’artifices ou d’un univers trop  esthétisant. Je souhaitais rester réaliste mais avec une pointe d’onirisme. J’avais une image du film Mary Poppins en tête. Celle des deux enfants qui, pénétrant  dans l’immense banque de leur père, semblent écrasés par la lourdeur du conservatisme bourgeois. Aussi abstrait soit-il, le souvenir de cette banque a été un point de départ pour l’atmosphère que je voulais donner à cet immeuble : un réalisme un peu bancal, décalé.

C’est pour cela que vous avez voulu tourner en studio ?
L’immeuble dont je rêvais n’existe pas. Et Anne-Dominique Toussaint a compris que ce n’était pas un caprice mais que ça allait servir l’histoire. Ainsi, j’ai eu  la chance de pouvoir écrire le scénario en imaginant une configuration d’appartement très particulière. C’était très important pour moi que l’appartement  d’Ozu soit construit sur le même « moule » que celui de la famille de Paloma, et qu’ils se distinguent par leur ameublement. Pour la famille Josse, j’avais en  tête l’appartement d’une famille de gauche accueillante, sympathique, et chaleureuse, avec des parents joyeusement névrosés mais pas immédiatement  insupportables. Je voulais éviter de tomber dans le cliché des méchants bourgeois et je ne voulais pas d’un décor glacé.

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Et pour la loge de Renée ?
Elle lui ressemble : la pièce principale et sa cuisine sont une sorte de « vitrine » parfaitement impersonnelle du stéréotype de la concierge parisienne. Ni trop,  ni pas assez. Et dissimulée au fond de sa loge, sa bibliothèque : une pièce chaleureuse, surchargée de livres et de petits objets qui lui sont plus précieux.

Pour les vêtements, vous aviez des idées aussi précises que pour le décor ?
Oui. Les discussions avec Catherine Bouchard autour des costumes ont nourri mes réflexions sur chacun des personnages. Comme avec Yves pour les décors,  j’ai trouvé ces échanges parfois aussi riches que ceux avec les comédiens. Par exemple, un gros travail a été fait sur les tenues de Renée. Quand Kakuro l’invite      à dîner pour la première fois, c’est son amie Manuela qui lui prête une robe de haute couture. Quand Renée revient chez Kakuro une deuxième fois, j’ai  voulu qu’elle soit habillée normalement et que lui soit en « samué », une sorte de kimono : Ils ont déjà une forme d’intimité. Lorsque Kakuro lui offre des  vêtements pour la troisième sortie, j’avais d’abord imaginé une robe. C’est Catherine qui m’a convaincue (et elle a eu mille fois raison !) qu’il fallait que Kakuro  lui offre un tailleur pantalon. En robe, Renée se sentait déguisée et Kakuro l’a deviné. Il veut la mettre en valeur, mais pas la transformer. Le tailleur dessiné  par Catherine est très juste : il est élégant et féminin sans contredire le personnage. Et comme pour les décors et la lumière, j’ai beaucoup harcelé Catherine  au sujet des couleurs des costumes : Du gris, du taupe, du marron !

Justement, quel a été le travail sur la lumière ?
Le travail avec le chef opérateur, Patrick Blossier, a été particulier puisque je vis avec lui. C’est donc une collaboration unique et privilégiée qui s’est construite  sur des années, et pour Le Hérisson, dès le scénario.  Je voulais pour chaque décor des ambiances très différentes mais qui s’accordent de manière homogène : que la lumière entre comme dans une grotte chez  Renée, quelque chose de plus lumineux chez les Josse, de tamisé et intime chez Kakuro. Avec Patrick Blossier et Yves Brover, on a aussi beaucoup travaillé à  ce qu’il y ait une harmonie de couleurs, une teinte globale. Je voulais une image dense, élégante, mais pas esthétisante. C’est une histoire simple, je voulais  que la forme soit sobre.

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Avec ce que vous venez de dire sur les décors, les costumes et la lumière, il est évident que, pour la musique, vous aviez aussi une idée très précise de ce que vous vouliez.
Oui. Et aussi de ce que je ne voulais pas ! Par exemple, toujours dans cette envie d’intemporalité, je ne voulais pas de musiques additionnelles, mais uniquement  des compositions. Je considère, et encore plus après Le Hérisson, qu’une musique réussie est une musique qui s’accorde avec l’ensemble du film. Et que cela  ne dépend que de la bonne alchimie entre un compositeur et le réalisateur. Cette rencontre a eu lieu avec Gabriel Yared. On n’est jamais aussi théorique que  lorsqu’on parle d’une musique, mais il a su comprendre mes envies. Il m’a aussi emmenée là où j’avais un peu peur d’aller et c’est formidable.

Quel est votre meilleur souvenir ?
Le jour où Anne-Dominique m’a appelée un soir de décembre pour me dire : « Joyeux Noël ! C’est nous qui avons les droits du Hérisson ! ». Et un an plus tard,  quand elle m’a appelée pour me dire : « Joyeux Noël ! Josiane Balasko a lu le scénario et veut te rencontrer ! ». Mais j’en ai beaucoup d’autres… Le petit rituel  du matin : emmener mes filles à l’école, prendre la voiture en direction d’Epinay avec Patrick et le stagiaire mise en scène en écoutant de la musique ringarde ! L’arrivée  au studio, le café, le croissant, puis l’heure de travail que nous prenions quotidiennement avec Patrick, la scripte et l’assistant mise en scène pour préparer la  journée de tournage avant l’arrivée des comédiens et du reste de l’équipe. J’ai vécu tous ces moments comme des instants privilégiés. Nous avons tous vécu  en vase clos dans les studios d’Epinay pendant de nombreux mois. Même la monteuse, Julia Grégory, s’était installée dans un bureau des studios pendant le  tournage. Cela a créé une atmosphère très intime au sein de l’équipe qui, d’après-moi, a nourri le film.

Finalement, qui est le hérisson ?
Je crois que nous sommes tous un peu des hérissons dans la vie… avec plus ou moins d’élégance !

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Source : http://www.alalettre.com/interview-mona-achache-herisson.php

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Mme Michèle
  • Ce blog a pour thème le film "le hérisson", réalisé par Mona Achache et adapté d'un roman de Muriel Barbery, "l'élégance du hérisson". Une histoire magnifique où se mêlent philosophie, littérature, arts et poésie.
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